Textes et Homélie pour le cortège funèbre



Monsieur le président de la République, Monsieur le Ministre, Madame la Rectrice,
chers parents, chers élèves, chers collègues, chers citoyens,
Nous sommes réunis en ce jour pour célébrer une grande dame qui s’éteint malheureusement aujourd’hui après avoir longtemps éclairé nos vie et nos âmes. la triste disparition de celle qui a tant fait pour nous. Dans la nuit du 19 février, le coup de grâce lui a été porté.
C’était pourtant une grande dame illustre, dont pas un ici ne dira qu’il ne lui doit rien. Rappelons nous qu’elle fut conçue dans les tourbillons du siècle des Lumières. La Révolution Française l’affermit en créant le corps des instituteurs par la loi du 1er décembre 1792 : Selon l’idée de Condorcet, l’État s’engageait alors à prodiguer un enseignement primaire laïque, sous l’égide d’un ministère de l’instruction publique. Puis vinrent les lois Ferry et l’école fut gratuite et obligatoire.
On vit toute la jeunesse de France passer du joug hideux qu’était le travail des enfants au banc de l’école républicaine où chacun pouvait accéder aux lumières de la connaissance. L’État démocratique se souciait alors de l’élévation de l’esprit de tous ses citoyens dans le respect de l’égalité. 
 Cette égalité fut réaffirmée au lendemain de la seconde guerre mondiale, le 27 octobre 1946 dans le préambule de notre constitution, avec l’article 13 qui déclare : « La nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. » La déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 le rappellera : « Toute personne a droit à l’éducation. » (art 26.Nous parlons ce soir au nom de la personne humaine et des droits qui lui ont été reconnus. 
L’éducation nationale a été pendant des décennies la garante du droit fondamental à l’éducation.
C’est l’école, et son professeur de philosophie qui permit à Albert Camus, de devenir écrivain, résistant, et d’obtenir le prix nobel.C’est l’école qui permit à Annie Ernaux, fille de cabaretiers d’écrire pour témoigner de la condition féminine. Ou bien Jamel Debouzze qui grâce a un atelier théâtre de son lycée a pu devenir l’humoriste que l’on connaît.C’est l’école et les enseignants qui y travaillent qui conduisirent Lucie Aubrac à l’engagement politique, Thomas Pesquet dans l’espace, Marie José Pérec sur les podium olympiques, Cédric Villani à la médaille fields…Même si l’école ne joue plus toujours son rôle d’ascenseur social et qu’elle reproduit parfois certaines inégalités : elle permet néanmoins à l’individu de construire son identité de citoyen sur le socle commun des valeurs de la République :
- Liberté : avec la liberté de pensée et d’expression chère à nous tous ;
- Egalité : l’Egalité des chances grâce à des programmes nationaux et la possibilité d’accéder à l’enseignement supérieur.
- Fraternité : dans l’acceptation des différences et les manifestations de solidarité envers autrui.
Viscéralement attachés à ces principes, nous déplorons toutes les attaques infligées à l’Education Nationale depuis de nombreuses années :
Nous déplorons la suppression des alternatives proposés aux élèves à besoin éducatifs particuliers (Segpa, classe Ulis etc..) qui transforme cette belle dame en machine à broyer la jeunesse, contrainte de se voir imposer des voies d’orientation de plus en plus réduites.
Nous déplorons les réformes successives qui ont toujours fait fi du travail des enseignants et sont faites sans une réelle concertation avec les principaux intéressés, dans cette vision verticale de la répartition des tâches et des missions.
Et aujourd’hui, nous voyons que la nouvelle école de la confiance va accroître les inégalités sociales et territoriales. Nous voyons que notre école maternelle risque de disparaître. Nous voyons que la réforme du lycée promeut une compétition acharnée entre élèves, disciplines, établissements et que contrairement à ce qui est annoncé, dans les faits, l’éventail des choix se réduira pour nos enfants. Nous voyons que les nouveaux programmes du lycée professionnel renoncent à fournir à ses élèves une culture commune, accentuant le mépris avec lequel ces filières sont traitées dans notre pays depuis des années. Les conditions de travail se dégradent pour les personnels. Les conditions d’apprentissages se dégradent pour les élèves. Les parents voient se dégrader les perspectives d’avenir pour leurs enfants. Jusqu’où ira-t’on dans la casse du service public ?
Aujourd’hui, nous pleurons la destruction massive du service de l’enseignement public, qui cherche à faire croire à une plus grande liberté de choix pour la jeunesse, là où ne réside que la volonté de faire des économies au détriment d’un avenir plus serein.
Aujourd’hui, c’est donc avec tristesse que nous nous retrouvons pour des adieux sincères et vibrants à celle qui nous promettait l’éveil des jeunes esprits et l’épanouissement des citoyens de demain.
Aujourd’hui, nous ne voulons pas d’une  « Ecole de la confiance » qui rimerait avec défiance, ignorance et intolérance. Nous voulons pour tous nos enfants, l’école de la vaillance, l’école de la connaissance et l’école de la bienveillance.

Ce soir, la tristesse, l’inquiétude, la colère et l’amertume nous rassemblent. Mais nous gardons espoir. Les élèves d’aujourd’hui sont le monde de demain. Parents et enseignants, nous faisons notre part pour qu’ils construisent une société plus juste, alors que nous savons que l’urgence climatique va les confronter à des bouleversements sans précédents. Nous avons foi dans notre jeunesse. Nous voulons leur donner les moyens de vivre ensemble, demain, dans un monde en paix. L’école est le lieu où se construit aujourd’hui la société de demain. Assassiner l’école de la république, c’est détruire les rêves d’avenir de nos enfants. Et comme l’a dit Carl Gustav Jung, « une société sans rêve, c’est une société sans avenir. »
 

Ecrit et lu par une enseignante du lycée:

M le Ministre,



Vous ne nous faites pas taire, vous ne le pouvez pas.

Non, vous faites pire : vous faites comme si vous ne nous entendiez pas.

Notre expertise, nos propositions, nos inquiétudes puis nos cris d'alarme,

Vous les réduisez à la pure inexistence !

Mais quelle violence que celle-là pour un être humain !



Mais que croyez-vous ?

Que les enseignants sont des êtres sans conscience qui exécuteraient n'importe quelle tâche ?

Non, les enseignants sont des pédagogues dont l'aptitude professionnelle a été certifiée.

Des professionnels à qui vous confiez chaque jour les enfants de la République.



C'est ce professionnalisme que vous violentez

lorsque vous nous demandez d'appliquer sans broncher

des réformes allant à l'encontre de l'intérêt de nos élèves.



Si vous persistez à ne pas nous écouter,

les enseignants seront morts.

Ne resteront que des exécutants en souffrance

car l'être humain restera toujours doté de conscience.




Ecrit et lu par un parent d'élève:

 
« Homélie » pour le cortège funèbre du 26 mars - Pins-justaret

Rabelais, Pantagruel : « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme.»

Michel de Montaigne, Essais : «Une tête bien faite plutôt qu’une tête bien pleine. »


Le terme humanitas représente « la culture qui, parachevant les qualités naturelles de l'homme, le rend digne de ce nom» Aujourd’hui, l’humanisme n’est plus celui de Rabelais, Erasme ni Montaigne, mais l’essence demeure : une ode à la vie, au développement de l’intelligence face à la seule utilisation de la mémoire.


La logique de l’état n’est pas celle-ci ! Le premier pilier de la logique Macron, Blanquer est autre ! C’est l’humanisme qui est enfermé dans ce cercueil, l’humanisme que nous pleurons ce soir, ils veulent lui substituer un obscurantisme. Celui-ci n’est plus religieux, il est dicté par une économie financière ! La finance est la nouvelle religion, Macron, Blanquer sont la nouvelle sorbonne !


Ce nouvel obscurantisme, né des outrances du modèle néo-libéral, ne voit en l’éducation que l’aspect utilitaire, former des consommateurs et des salariés, pointus dans un savoir conçu comme technique et limité à son seul domaine d’intervention.

De futurs salariés surtout ignares des choses du monde, incapables d’un regard distancié aux choix de société. Des citoyens qui ne peuvent plus imaginer s’abstraire du cadre de référence dans lequel un modèle économique les enferme.


Pourtant c’est à 16-17-18 ans que l’on commence à se poser des questions sur l’utilité de l’homme, notre place, notre rôle dans le monde. L’enseignement actuel donne des clefs aux jeunes, permet l’ouverture de l’esprit. A ces âges, ce n’est surtout pas le moment de se fermer sur un choix de spécialités qui ne peuvent faire sens de si bonne heure dans la vie. Cette réforme est un contre-sens !


Le second pilier de la logique Macron, Blanquer se découvre doucement : la fin de l’équité assurée pour tous par l’état sur l’ensemble du territoire, au profit d’un transfert vers le privé, y compris un transfert d’argent public.


La mesure la plus claire en ce sens concerne l’obligation de financement, par les communes, des écoles privées maternelles. Les finances publiques devraient êtres réservées à l’école publique ! Demain, une commune qui a consenti des investissements pour son école (une atsem par classe, ludothèque, matériel etc) pour 1€ investit, devra également verser 1€ à l’école privée.


La disparition des conseillers d’orientation est un autre point, verra-t-on des coachs privés assurer l’avenir des enfants de riches ? On vient de voir jusqu’où cela peut aller, aux US, des actrices qui paient des coachs qui eux-mêmes soudoient l’administration pour faire de faux bulletins scolaires…


Autre chose grave est la notation des établissements, la fin d’un bac qui a au moins le mérite d’assurer une mesure commune sur tout le territoire, l’égalité des chances assurée au moins à cette étape. Demain un 11 au Caousou ou Saint-Joseph vaudra un 12 à Fermat et aura autant de valeur qu’un 13 à JP Vernant ou 14 à Aragon, c’est le sens de cette réforme dans l’orientation post-bac ! (Échelle issue du classement des Lycées de Haute-Garonne par l’internaute).


Ne pleurons pas encore humanisme et équité, …. défendons les ! Sortons-les du cercueil !



Jean-Yves Berny




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